Histoires de censure. Anthologie érotique (Bernard Joubert)

Histoires de censure. Anthologie érotique (Bernard Joubert)

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la présente anthologie s'intéresse à la censure des oeuvres érotiques à travers l'Histoire mais surtout au XXe siècle : les textes sont cités, les lois décryptées, les circonstances analysées... Passionnant !

 

Une analyse du livre, lue sur http://www.altersexualite.com :

Voici un livre essentiel, qui contient à la fois un panorama de la censure en France telle qu’elle fut pratiquée sans dire son nom depuis Pétain jusqu’à nos jours, et une anthologie de textes érotiques que ladite censure — pardon : la protection des malheureux mineurs victimes de la perversion des méchants adultes — a plus ou moins réduits à l’inexistence au cours de la seconde moitié du vingtième siècle, eussent-ils traversé cahin-caha les siècles précédents. Trois lois ont été instrumentalisées pour exercer sans frein cette censure qui ne disait pas son nom : l’outrage aux bonnes mœurs, disparue en 1994 ; la Loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, et la loi de 1949. Avec un goûteux style pamphlétaire, Bernard Joubert pourfend l’hypocrisie, qu’elle soit motivée par la cupidité ou par la bondieuserie, et rend hommage aux auteurs et aux œuvres annihilés par ces lois si efficaces que le vulgaire ne soupçonne pas leur existence. Il n’est pas rare d’entendre des intellectuels affirmer que la censure n’existe plus, ou bien que tel auteur connu — Georges Bataille par exemple — en a souffert. Or Bataille n’en a pas souffert, mais son cas cité à mauvais escient permet de cacher la forêt d’écrivains détruits par cette censure honteuse.

La préface retrace avec humour et causticité l’historique des lois de censure que nos politocards franchouillards de gauche ou de droite, en accord avec l’intelligentsia parisienne, nous ont toujours mitonnées jusqu’à aujourd’hui pour nous protéger de ces méchantes œuvres de l’Esprit du mal que, comme dit Léo Ferré, Satan « glisse / Au chevet des adolescents / Quand poussent dans l’ombre complice / Des fleurs du mal de dix-sept ans ». Au premier rang figure la loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, qui fut une arme de dissuasion massive contre la subversion destinée aux adultes. Bernard Joubert épingle par exemple le ministre de l’intérieur François Mitterrand, « l’homme de gauche à la francisque encore tiède » qui fut recordman des interdictions entre juin 1954 et février 1955 (p. 129), mais aussi parmi les plus zélés censeurs, Robert Schuman, « père de l’Europe et père Fouettard » (p. 132), ainsi que, au sein de la « Commission de surveillance », Jean-Jacques de Felice, au temps où il représentait le scoutisme, avant de devenir un de mes héros personnels, le défenseur des objecteurs de conscience ! [1] Au contraire, Michel Poniatowski fut un ministre peu porté sur la censure de la littérature (p. 120). Ainsi, apprend-on que c’est sous un gouvernement de gauche (le même grâce auquel le prolétaire subit la radio RFM du vendeur d’armes Lagardère dans les gares) que le sénateur UDF Charles Jolibois fit passer l’article 227-24, aggravé par la loi Guigou du 17 juin 1998, article qui permet par exemple aux groupuscules familialistes d’extrême droite de faire interdire des expositions, faisant renaître de ses cendres l’outrage aux bonnes mœurs dont on s’était crus débarrassés. Au sujet de l’article 14 de la loi de 1881 sur la « liberté de la presse » (sic), Bernard Joubert opine savoureusement : « C’est un texte qui laissait au ministre un très large pouvoir d’appréciation. Il aurait suffi de considérer que la Bible est un ouvrage qui trouble l’ordre public, puisque certaines âmes faibles, fanatisées par sa lecture, incendient des cinémas ou enrichissent le dentiste de Philippe Val, pour la faire disparaître du marché » [2] (p. 15).

L’anthologie est commentée, et chaque texte est présenté, de façon à brosser sans lourdeur démonstrative une histoire vivante de la censure, faisant revivre sous nos yeux les cœurs toujours vaillants des petits soldats du pétainisme gaullisto-mitterrandien. Bernard Joubert nous rappelle que notre parangon national de littérature enfantine, le bon Jean de La Fontaine, fut l’un des premiers auteurs à être condamné au nom des prétendues « bonnes mœurs ». Dans « Comment l’esprit vient aux filles », il nous souffle une conception assez souple de l’âge du consentement d’une part, de l’autre de la socratisation bien tempérée par un brave prêtre ! Une fille un peu sotte qui n’a « que quatorze ou quinze ans » est envoyée par sa mère prendre de l’esprit chez un prêtre. Celui-ci l’attire dans sa cellule : « Mon Révérend la jette sur un lit ; / Veut la baiser, la pauvrette recule / Un peu la tête, & l’innocente dit : / Quoi, c’est ainsi qu’on donne de l’esprit ? / Et vraiment oui, repart sa Révérence ; / Puis il lui met la main sur le téton. / […] Il suit sa pointe, & d’encore en encore, / Toujours l’esprit s’insinue & s’avance, / Tant & si bien qu’il arrive à bon port. / Lise riait du succès de la chose. » (et ça continue ainsi…) S’il publiait ces vers aujourd’hui, notre fabuliste national verrait son œuvre entière jetée à la poubelle « sans autre forme de procès », comme le dit une autre fable. Le dossier des Fleurs du mal est rappelé, avec ce fameux Ernest Pinard qui au moins avait le courage de s’exposer à la postérité, alors que nos censeurs du XXe siècle ont eu la précaution de se cacher derrière l’anonymat d’une commission croupion, dont les décrets publiés à la sauvette étaient soustraits à la publicité d’un procès et donc à tout arbitrage démocratique !

Editions La Musardine. 350 pages.

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