Les médias contre la rue - 25 ans de démobilisation sociale (ACRIMED)
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Ce qui est le plus évident, pour un observateur des médias tant soit peu critique, c’est sans doute l’hostilité – à peu près unanime – des commentateurs officiels envers les mouvements sociaux  Ce n’est pourtant pas la seule façon, ni la pire, de nuire aux luttes...

 

Depuis 25 ans, l’association Acrimed (Action-Critique-Médias), créée en 1996 dans la foulée et en réaction au traitement médiatique des mobilisations contre le plan Juppé en novembre 1995, a beaucoup diversifié les cibles de ses observations. Mais elle n’a jamais cessé de scruter la façon dont les médias dominants s’adonnent régulièrement à l’un de leurs sports favoris : la démobilisation sociale.

Et depuis 25 ans, les occasions n’ont pas manqué. Après avoir soutenu le plan Juppé, la quasi-totalité des grands médias ont salué (entre autres) : en 2003, « la réforme » du statut des intermittents et des retraites ; en 2006, le « Contrat première embauche » ; en 2007, « la réforme » des régimes spéciaux de retraites ; en 2009, celle des universités ; en 2010, celle des retraites (encore) ; en 2014 (déjà), celle de la SNCF ; en 2016, la loi Travail ; en 2018, « la réforme » de la SNCF (à nouveau) ; en 2020, celle des retraites (toujours), etc., etc. Liste non exhaustive, et en constante augmentation.

Depuis 25 ans, chaque réforme néolibérale, chaque régression sociale, entraîne immanquablement une nouvelle mobilisation médiatique. Mais comme dans une série à bas prix confiée à des scénaristes paresseux, chaque nouvel épisode frappe par sa ressemblance avec le précédent. Mis à part quelques détails négligeables (en particulier le fond de la réforme et les revendications des grévistes), généralement laissés hors-champ, rien ne ressemble plus à un mouvement social, vu à travers le prisme déformant et méprisant des partis pris et des caricatures médiatiques, qu’un autre mouvement social : inutile, importun, inopportun, essoufflé avant d’avoir commencé, menacé à tout instant de sombrer dans la violence sinon le chaos. Le scénario est bien balisé, le vocabulaire bien rodé, les formats bien ajustés : « la réforme » a une étonnante capacité à mettre en marche la machine médiatique à fabriquer sa bouillie, parfaitement conforme aux intentions des « élites » économico-politiques.

La critique – précise, rigoureuse, s’appuyant sur la sociologie et l’économie pour affûter sa radicalité – des mauvais traitements médiatiques infligés aux mouvements sociaux, à leurs acteurs et aux revendications qu’ils portent, est donc cruciale. Suscitant (pour les plus importants, qui mobilisent de larges secteurs du monde du travail) beaucoup de bruit médiatique – et pour d’autres des silences éloquents –, dévoilant un unanimisme confondant, révélant, sous la morgue et le mépris décomplexés, la violence des rapports sociaux, ces épisodes sont riches d’enseignements sur la contribution du petit monde des grands médias au maintien de l’ordre social – nous rappelant ainsi régulièrement qu’on ne saurait parvenir à changer le premier sans se préoccuper sérieusement du second.

Qu’il s’agisse des médias privés, aux mains de milliardaires à la tête de grandes entreprises qui sont des acteurs économiques majeurs, ou des médias publics, dont les dirigeants épousent le point de vue des gouvernants qui les nomment ou les surveillent, les médias « dominants » jouent leur partition dans la grande symphonie de la domination sociale. Loin d’être de simples « médiums », intermédiaires ou témoins, ils sont ainsi partie prenante des conflits sociaux sur lesquels ils prétendent informer.

À chaque mouvement social de quelque ampleur, l’orchestre médiatique se met ainsi en ordre de bataille, chacun à sa place et remplissant sa fonction, de l’éditorialiste chargé d’expliquer doctement à quel point les manifestants ont tort de s’opposer à « la réforme » à l’« expert » chargé d’expliquer doctement à quel point le gouvernement a raison de la mettre en place, en passant par le présentateur-intervieweur chargé de leur confier la parole et de la confisquer à tous les autres.

L’orchestre médiatique a ceci de particulier qu’il n’a pas besoin d’un chef pour trouver sa direction, qui est peu ou prou toujours la même : dans le sens du vent et du côté du manche. Pour cela il suffit d’avoir soigneusement promu les cadres, « chefs de service » et autres sommités de l’information, en fonction de leur incurie, leur incompétence et leur servilité. Cette « éditocratie » ne se confond pas avec les quelques enquêteurs dont elle recouvre l’activité, et encore moins avec les « soutiers de l’information », majeure partie de la profession, souvent précarisée et soumise à une hiérarchie qui veille au grain, formatée plus que formée par les écoles de journalisme, qui produit certes des « contenus » désastreux, mais sur commande, parfois à contrecœur et souvent par nécessité.

Mais si, au sein du journalisme, tous les acteurs n’ont pas la même implication ni les mêmes responsabilités, il n’en demeure pas moins que pris dans leur ensemble et selon leur plus grande pente, les grands médias se situent clairement du côté du pouvoir et de la classe dirigeante. Et il ne suffit pas de le dire : il importe de le montrer, en détail, pour bien mesurer, comprendre et le cas échéant dénoncer à bon escient, sans le surestimer, le rôle qu’ils jouent. Pour notre part, nos vingt-cinq ans d’observations nous permettent de poser un diagnostic relativement précis sur la façon dont les médias dominants (re)couvrent et (mal)traitent un mouvement social. Certes il y a des nuances, des ajustements, des variations, d’un média à l’autre, d’une mobilisation à l’autre.

Mais il y a aussi des invariants, massifs, et des tendances, lourdes.

Editions Adespote, 225 pages, 2021.

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