Un nouvel or noir - Pillage des oeuvres d'art en Afrique (Philippe Baqué)

Un nouvel or noir - Pillage des oeuvres d'art en Afrique (Philippe Baqué)

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En quelques décennies, une culture dominante a lancé ses bulldozers dans une entreprise inégalée de désintégration des autres cultures. Les masques et les statuettes volés dans les cases sacrées des villages et les objets archéologiques arrachés aux tumulus se voient dotés du statut d'objets d'art afin d'être mieux vendus... Le pillage est généralisé...

 

« Le Ghana fut vidé de la totalité de son patrimoine au profit des boutiques, salles de ventes et musées de l’Europe et des États-Unis. En 1998, le musée Barbier-Mueller de Genève exposa quelques statuettes koma, présentées avec la remarque : “Un peuple dont on ne connaît rien.” Le mystère dopant les prix, les “terres cuites koma” se vendirent d’autant mieux qu’elles représentaient les dernières traces d’une civilisation engloutie. Que les archéologues, doublés par les pilleurs, n’aient pu achever leur étude, c’était une perte pour la science, mais une multiplication des gains pour les marchands. »

Le marché de l’art peut bien remplacer l’expression « art nègre » par « art primitif », son seul souci demeure de satisfaire les demandes de ses consommateurs. Pour durer, il s’adapte, sans renoncer aux expropriations qui lui procurent son oxygène : peintures rupestres découpées à la tronçonneuse, manuscrits volés, squelettes d’animaux préhistoriques et vestiges revendus sur les marchés touristiques, tombes profanées…

Marchands et collectionneurs des pays riches captent l’essentiel des richesses générées par ce trafic qui dégrade irrémédiablement les zones auxquelles il s’attaque. C’est le plus pernicieux des marchés et le plus symbolique des destructions que subissent les pays du Sud, où matières premières, sources d’énergies, productions agricoles et culturelles continuent d’être drainées vers une poignée de pays riches.

Pour alimenter les galeries, les dernières parcelles de la planète ayant échappé au marché sont prospectées frénétiquement par les marchands d'art et leurs aides.

Si marchands et collectionneurs ne cessent d'afficher leurs louables Mentions de " Sauveurs du patrimoine mondial ", le marché des objets d'arts africains, comparable à celui des sources d'énergie et des matières premières, pourrait bien servir d'illustration aux thèses économiques les plus libérales : bénéfices juteux, faiblesses des réglementations internationales, libre circulation des marchandises, Etats impuissants ou bienveillants.

Ce marché reproduit les inégalités dominantes de la planète : les richesses du Sud sont inexorablement drainées vers le Nord. Quelle part reste-t-il dès lors à la culture, à la connaissance et au respect de l'autre ? Suffit-il de concevoir un Musée des arts et des civilisations pour en finir avec le néo-colonialisme et mettre fin au pillage généralisé ? Il est temps d'ôter le masque dont se pare le marché des objets d'arts africains.

Biographie de Philippe Baqué

Philippe Baqué est journaliste et réalisateur. Il a collaboré à plusieurs publications, dont Le Monde diplomatique. Il a coréalisé une fiction et plusieurs documentaires sur l'Afrique, notamment Carnet d'expulsions, de Saint-Bernard à Bamako et Kayes et Melilla, l'Europe au pied du mur, qui traitent des problèmes des migrants.

Editions Agone 2021. 268 pages. 

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